Biographie
Mathieu Riboulet, originaire de Creuse et né en région parisienne, a fait des études de cinéma et de lettres modernes à l'Université Paris III. Il réalise plusieurs films en autoproduction, avant de se consacrer à l'écriture.
Il meurt des suites d'un cancer, à l'âge de 57 ans.
Il s'était entouré de Claro, Oliver Rohe et Mathias Enard pour préparer le programme des 13e Rencontres de Chaminadour.
Impossible de dire ou d’écrire que Mathieu Riboulet s’est éteint, tant est encore incandescente la trace qu’il laisse en celui ou celle qui a eu la chance de le lire. Tant il touche l’histoire de notre présent : « ce qui nous fait si difficilement contemporain » pour reprendre la formule de Patrick Boucheron, historien, co-auteur et ami de Mathieu Riboulet.
En une quinzaine de livres publiés en une vingtaine d’année, Mathieu Riboulet nous a offert la grâce d’une écriture qui restera comme l’une des plus importantes de notre époque. Pourquoi ? Je me risque à y répondre en toute subjectivité : parce qu’il est l’homme de l’entre. D’ailleurs à l’annonce de sa disparition j’ai croisé ce commentaire minimal, un tiret. Il invente cet « entre », entre récit fictif et autobiographique, entre corps et esprit, entre sexe et politique, entre matérialité et mystique, entre nous et l’Histoire.
Il faut un écrivain de ce talent pour que ces mots de « vivre ensemble » prennent encore sens. Cette politique de l’entre n’est pas incantatoire elle existe dans l’espace de sa littérature.
Qu’est ce qu’on fait quand l’Histoire sort des livres et qu’elle entre dans nos corps? Comme ce fut le cas après les attentats de 2015 pour lesquels Mathieu Riboulet écrit Prendre dates avec l’historien Patrick Boucheron. Qu’est ce qu’on fait quand nous sommes dans l’histoire et que nous ne savons pas nous diriger à l’intérieur ? Quand nous vivons avec les impensés et les impayés du passé. Quand, comme l’écrit Riboulet « nous mijotons en France au fond de la casserole où l'on a tant touillé le ragoût des révoltes que nous sommes le restant qui attache ».
Il faut bien trouver notre espace. Et notre nous. Entre les deux il n’y a pas rien, il y a un manque. Et avec les livres de Mathieu de Riboulet nous pouvons, comme il l’écrit « avancer à tâtons dans la zone muette de ce fragment d’histoire ».
Mathilde Serrell - France Culture
Le corps apparaît comme une dominante essentielle des textes de Mathieu Riboulet. Dans Les Œuvres de miséricorde (2012, prix Décembre), qu’il « a mis un temps infini à écrire » et qui « lui a coûté cinq kilos», un écrivain veut « comprendre comment le Corps Allemand, majuscules à l’appui, après être entré à trois reprises dans la vie française par effraction (1870, 1914, 1939), continue à façonner certains aspects de notre existence ». Hanté par les œuvres du Caravage, son personnage reconnaît des protagonistes des tableaux dans les corps des hommes qui l’émeuvent.
Frédérique Roussel - Libération
Ceux qui ont eu la chance de le rencontrer se souviennent de sa voix, douce et calme, de son élocution limpide, à l'image de son écriture. Une langue puissante, des phrases ciselées, denses, qu'il travaillait à l'oreille jusqu'à les entendre sonner juste. (...) Mathieu Riboulet écrivait pour nommer, pour rendre visible. Son écriture porte la trace des disparus, fauchés par la guerre, le sida, ou la répression sanglante qui s'est abattue sur les militants d'extrême gauche dans les années 1970. « La littérature est aussi là pour ça. Pour dresser des tombeaux, mais pas au sens négatif et figé du terme, pour inscrire la trace de gens passés », disait-il.
Sophie Jouret - L'Humanité
PARTICIPATION AUX RENCONTRES DE CHAMINADOUR :
2007 (Pierre Michon).
Bibliographie
ŒUVRES DE MATHIEU RIBOULET
1996 : Un sentiment océanique (Maurice Nadeau).
1999 : Mère Biscuit (Maurice Nadeau).
2000 : Quelqu'un s'approche (Maurice Nadeau), rééd. Verdier/poche, 2016, avec une postface de Martin Hervé.
2003 : Le Regard de la source (Maurice Nadeau), rééd. Verdier/poche, 2017.
2004 : Les Âmes inachevées (Gallimard, coll. « Haute enfance »).
2005 : Le Corps des anges (Gallimard).
2006 : Deux larmes dans un peu d'eau (Gallimard, coll. « L'un et l'autre »).
2008 : L'Amant des morts (Verdier).
Prix Thyde Monnier de la SGDL 2008 - Prix de l’Estuaire 2009.
2010 : Avec Bastien (Verdier).
2012 : Les Œuvres de miséricorde (Verdier).
Prix Décembre 2012.
2014 : À la lecture (Grasset), écrit en collaboration avec Véronique Aubouy.
2015 : Prendre dates. Paris, 6 janvier - 14 janvier 2015 (Verdier), écrit en collaboration avec Patrick Boucheron).
2015 : Lisières du corps (Verdier).
2015 : Entre les deux il n’y a rien (Verdier).
2016 : Or, il parlait du sanctuaire de son corps (Les Inaperçus).